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«Je suis toujours là» : quel est le secret du succès et de la longévité du créateur de mode Alexandre Mattiussi?

«Je suis toujours là» : quel est le secret du succès et de la longévité du créateur de mode Alexandre Mattiussi?

RENCONTRE - Se faire confiance, être curieux, rester à l’écoute des autres… En misant sur des valeurs universelles, sans jamais se perdre de vue, le créateur normand a su faire de sa marque, AMI, un repère immuable dans le paysage de la mode. Quinze ans d’existence et pas une seule ride.

«Je suis toujours là ! » Quinze ans après le lancement de sa marque de prêt-à-porter, AMI (contraction de son prénom et de son nom), Alexandre Mattiussi a de quoi se réjouir. Dans une industrie en perpétuelle mutation, sa longévité est notable. Sa constance aussi, lui qui n’a jamais vraiment dévié de sa ligne de conduite et surtout de sa vision de la mode. Pragmatique, simple et compréhensible, à l’image des pulls, pantalons à plis et vestes de costume qu’il imagine dès ses débuts pour des hommes bien dans leur époque, qui veulent être élégants sans trop en faire.

Pour des femmes ensuite, à qui le créateur consacre une ligne entière dès 2019. Il y a aussi le succès de l’AMI de Cœur, ce logo composé d’un A, surmonté d’un cœur, que l’on a vu fleurir partout, sur les t-shirts des adolescents comme sur les pulls de leurs parents. S’il est toujours là, comme un fil rouge, cet emblème occupe aujourd’hui une place plus confidentielle, pour laisser le champ libre aux autres créations maison.

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« Depuis le départ, mon propos est d’habiller les femmes et les hommes, rappelle ce natif de Normandie. Et ma mission, de participer à l’épanouissement personnel de chacun, avec mes vêtements et mon goût. Il y a d’ailleurs un ADN AMI, un style qui m’est propre et qui traverse la marque, que je me force à contrarier, car c’est important de ne pas rester trop sur ses acquis. J’ai la curiosité suffisante pour, parfois, me laisser surprendre à remettre en question un goût ou un choix. »

La carrière d’Alexandre Mattiussi est d’ailleurs émaillée de choix. Celui d’abandonner ses rêves de danseur étoile pour une carrière dans la mode ; de quitter l’univers de l’ultraluxe (il a fait ses classes chez Dior, Givenchy et Marc Jacobs) pour se lancer en solo ; et surtout de faire le pari de la simplicité. « J’aime l’idée que ma mode ne soit pas intellectuelle. J’ai un goût simple en mode tout comme en cuisine ou dans mes relations avec les gens. C’est sophistiqué, certes, mais ce n’est jamais prétentieux. Quand je parle de l’envie des belles choses et de l’exigence du beau travail, il s’agit de faire de mon mieux pour que ce soit le plus impeccable possible, tout en restant vivant et naturel. Il m’est arrivé de créer des vêtements qui tenaient presque de l’expérimentation, mais j’en suis revenu. »

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Pas de regrets pour cet optimiste pur jus pour qui « le meilleur reste à venir ». Comme en ce soir de juin dernier, alors qu’il s’apprête à présenter sa collection printemps-été 2026 en plein air, autour de la place des Victoires dans le 2e arrondissement de Paris. Il a fait beau et très chaud toute la journée, mais la pluie est annoncée et un énorme nuage gris menace à tout moment de percer. Le défilé a pourtant bien lieu, au son du célèbre Boléro de Maurice Ravel, puis de La Foule d’Édith Piaf, qui accompagne le passage final des mannequins. Une minute après la fin des festivités, la pluie s’abat, violente, faisant s’envoler les convives comme une nuée de moineaux. « Il allait pleuvoir, on le savait, s’amuse le créateur. Mais je suis resté optimiste : on a tout fait pour installer les invités au plus vite et pouvoir commencer à temps. Je n’étais pas dans une confiance aveugle, mais je savais qu’on allait y arriver. Même si parfois c’est dur et que ça se passe dans la douleur. »

Alexandre Mattiussi entouré de ses mannequins à l’issue du défilé de l’hiver 2025-2026, présenté en janvier 2025 à Paris. SDP

La mode peut abîmer, c’est un métier dangereux, avec un rythme qui peut nous faire oublier la vraie vie

Alexandre Mattiussi

Douleur ne veut pas dire tourments pour celui qui aime à dire qu’il fait son métier « avec simplicité et humilité ». Les caprices de créateur-star, très peu pour lui. « Bien sûr, j’ai une vie très privilégiée, mais je n’ai pas changé, martèle Alexandre Mattiussi. Je suis resté le même. Mes amis me reconnaissent, ma mère me dit toujours que je ne suis pas assez couvert quand il fait froid l’hiver… C’est une fierté pour moi d’avoir su préserver mon enthousiasme, ma légèreté, mon sens de l’humour et ma curiosité sur le monde qui m’entoure. La mode peut abîmer, c’est un métier dangereux, avec un rythme qui peut nous faire oublier la vraie vie, les proches, la famille, les amis. J’ai toujours su préserver cela et trouver un bon équilibre entre mes vies personnelle et professionnelle. »

Avoir un pied dedans et un autre en dehors de cette industrie serait-il le secret du succès et de la longévité ? D’autant plus à l’heure où celle-ci se relève d’une année intense de départs et de nominations, propulsant certains directeurs artistiques au rang de superstars, au détriment d’autres mis sur la touche. « Les raisons pour lesquelles j’ai créé AMI sont les mêmes que celles qui m’ont fait quitter les grandes maisons dans lesquelles j’avais travaillé auparavant, explique le créateur. Je ne me reconnaissais ni dans la mode que je dessinais ni dans le prix, ni parfois dans l’ultracréativité. Revenir aux sources, c’était aussi vouloir porter un vêtement qui me plaise, qui m’aille. Je ne suis pas révolutionnaire ou provocateur. Je n’ai jamais eu la prétention de changer l’histoire ou le cours de la mode. Mais, au bout de quinze ans, je peux dire que mon succès est bien réel, solide. »

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Pourtant la marque d’Alexandre Mattiussi n’est pas que de la mode, loin de là. Depuis 2023, elle soutient le cinéma, notamment à travers la production de films. En mai de cette année, elle est devenue le partenaire principal de la Semaine de la critique du Festival de Cannes, donnant naissance au Grand Prix AMI Paris. « Pour moi, rester pertinent passe aussi par le fait de me promener dans des territoires qui ne sont pas forcément les miens au départ, comme le cinéma, relève-t-il. De m’inscrire dans un esprit curieux et collaboratif, spontané, naturel. Plus j’avance, plus j’essaie de me dépouiller des artifices pour me rapprocher de l’authenticité, de la réalité, d’une forme de vérité. Mais toujours avec une certaine poésie. »

lefigaro

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